filmov
tv
Marie Noël : Le Seigneur m'a dit de manger

Показать описание
En 1927-1928, Marie Noël (Marie Rouget de son vrai nom) écrit un long poème en quatre parties intitulé Adam et Eve. C’est la première partie de ce poème, nommée Poème des dents, que je lis (et qui est reproduite plus bas).
C’est une oeuvre sombre, une méditation amère sur la danse sinistre qui lie la vie et la mort, qui met la mort au coeur de la vie, cette mort qui, depuis celle de son frère, depuis celle des tous les enfants du monde, scandalise la poétesse auxerroise, interpellant sa foi.
Dans le Jardin d’Eden, Dieu a dit à l’homme et à la femme de manger des fruits du jardin, et les créatures ont été créées de telle sorte qu’elles se nourrissent les unes des autres : la mort et la destruction ont été ainsi mises au fondement de la vie ; elles en sont la condition.
Le commandement premier donné aux créatures vivantes, et qui n’est pas issu d’un signe ou d’une révélation mais inscrit au profond des entrailles de chaque être, est de manger pour vivre, de détruire et de tuer pour se perpétuer : “Mangez-vous les uns les autres” – tel est le vrai commandement suprême que nous dicte la vie, le commandement de ce Père hiératique que Marie Noël appelle le Dieu noir.
Voilà, pour Marie Noël, la nature vraie du Péché originel. Non pas une faute commise par Ève ou Adam, non pas un acte de désobéissance à une parole divine mais la simple acceptation, par l’homme, de sa nature d’homme, de son incarnation : le péché originel de l’homme, c’est d’être ce qu’il est – ou peut-être seulement d’en avoir conscience.
Etre homme, c’est accepter cet héritage ; accepter de manger le fruit puisqu’il nous a été donné, accepter de commettre le mal puisque Dieu l’a ainsi voulu.
Il y a, dans l’acte de manger, de manger ce qu’on aime, comme l’avait remarqué Simone Weil, quelque chose de scandaleux et d’horrible.
Mais vivre, c’est cela. Et Marie Noël, elle qui doute et croit, franchit le pas que Simone Weil ne franchit pas. Elle mange le fruit parce qu’elle accepte son humanité, comme les croyants mangent l’hostie, le corps du Christ parce que c’est ce que celui-ci a voulu et demandé, dans un retournement qui échappe à ma compréhension, comme échappent à ma compréhension d’autres passages de ce texte.
Le Seigneur m’a dit de manger.
Et ici encore, l’humilité véritable consiste à accepter ce qu’on est, y compris sa part d’ombre, et l’orgueil à se croire un ange.
C’est une oeuvre sombre, une méditation amère sur la danse sinistre qui lie la vie et la mort, qui met la mort au coeur de la vie, cette mort qui, depuis celle de son frère, depuis celle des tous les enfants du monde, scandalise la poétesse auxerroise, interpellant sa foi.
Dans le Jardin d’Eden, Dieu a dit à l’homme et à la femme de manger des fruits du jardin, et les créatures ont été créées de telle sorte qu’elles se nourrissent les unes des autres : la mort et la destruction ont été ainsi mises au fondement de la vie ; elles en sont la condition.
Le commandement premier donné aux créatures vivantes, et qui n’est pas issu d’un signe ou d’une révélation mais inscrit au profond des entrailles de chaque être, est de manger pour vivre, de détruire et de tuer pour se perpétuer : “Mangez-vous les uns les autres” – tel est le vrai commandement suprême que nous dicte la vie, le commandement de ce Père hiératique que Marie Noël appelle le Dieu noir.
Voilà, pour Marie Noël, la nature vraie du Péché originel. Non pas une faute commise par Ève ou Adam, non pas un acte de désobéissance à une parole divine mais la simple acceptation, par l’homme, de sa nature d’homme, de son incarnation : le péché originel de l’homme, c’est d’être ce qu’il est – ou peut-être seulement d’en avoir conscience.
Etre homme, c’est accepter cet héritage ; accepter de manger le fruit puisqu’il nous a été donné, accepter de commettre le mal puisque Dieu l’a ainsi voulu.
Il y a, dans l’acte de manger, de manger ce qu’on aime, comme l’avait remarqué Simone Weil, quelque chose de scandaleux et d’horrible.
Mais vivre, c’est cela. Et Marie Noël, elle qui doute et croit, franchit le pas que Simone Weil ne franchit pas. Elle mange le fruit parce qu’elle accepte son humanité, comme les croyants mangent l’hostie, le corps du Christ parce que c’est ce que celui-ci a voulu et demandé, dans un retournement qui échappe à ma compréhension, comme échappent à ma compréhension d’autres passages de ce texte.
Le Seigneur m’a dit de manger.
Et ici encore, l’humilité véritable consiste à accepter ce qu’on est, y compris sa part d’ombre, et l’orgueil à se croire un ange.