Penser le « Notre père » (Exode 20:1-17 ; Matthieu 6:7-13 ; Luc 11:1-4)

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(début de la prédication à 09:00)

Qui suis-je pour proposer un commentaire du « Notre Père » ? Je suppose que c'est l'un des textes les plus commentés de toute l'histoire mondiale. Que peut un modeste philosophe, qui n'a que sa propre pensée, face à ce monument de tous les temps ?
Mais pourquoi un modeste protestant d'expression philosophique ne tenterait-il pas une interprétation philosophique, de même que Bach, Buxtehude, Rachmaninov ou Duruflé ont tenté, en leur temps, parmi tant d'autres, une interprétation musicale, dont nous avons la chance d'entendre ce matin quelques reprises sous les doigts de Jean-Dominique Pasquet. Ce sont comme des variations sur un thème commun, presqu'inaudible tellement il est profond en nos cœurs, et diffus dans le monde.

Préambules, dites : nous
Deux idées me viennent aussitôt. En Matthieu 6, il s'agit d'abord de dire ce que la prière n'est pas : elle n'a rien d'ostentatoire, et ne doit pas se perdre dans l'inutilité de demandes ridicules alors que « Dieu sait bien tout ce qu'il nous faut avant que nous le demandions ». La prière ici proposée est la chose la plus singulière, la plus intime, la plus incognito. Mais justement, et c'est la première chose qui m'émeut, c'est dans le même temps la prière la plus universelle, celle d'un peuple immense, épars, qui s'ignore lui-même, c'est le cœur de la liturgie qui conduit ce peuple dans la nuit.

Le second point que je relève d'emblée, c'est l'importance de ne pas s'attacher aux mots. Calvin, dans son Commentaire du Nouveau Testament, que je citerai souvent dans cette méditation, y voit « une règle à laquelle compasser nos prières ». Et il continue : « toutefois ainsi a-t-il voulu régler et tenir en bride nos souhaits afin qu'ils ne s'égarent pas hors de ces limites. Dont nous recueillons qu'il a baillé une loi de bien prier, non point quant aux mots, mais quand aux choses mêmes, et à la substance de la prière ». L'important est de se laisser traverser par l'intention vive de la prière. Et en effet, dans ces deux préambules, en Luc comme en Matthieu, il y a bien quelque chose du genre « on vous a dit de prier comme ceci ou cela, mais moi je vous dis ». Ou plus exactement : « mais vous, dites.. ».

Vous donc, dites : mais dites quoi ? Eh bien, dites : « nous ». Notre Père qui es aux cieux. Ce « nous » est primordial. Même si je suis retiré seul dans ma chambre, porte fermée, seul avec mon Dieu qui est là, dans le secret, pour reprendre le mode d'emploi de la prière que propose Matthieu 6, là encore je dirai « Notre père..., donne-nous... ». Mais qu'est ce que c'est que ce « nous » fabuleux, qui rassemble depuis le monde entier et de siècle en siècle des voix aussi différentes, opposées, décalées, disparates ? Oser ainsi dire « nous » ! Eh bien oui, je m'y sens autorisé, parmi vous, parmi d'autres, nous nous sentons autorisés par cette parole qui nous accrédite. Notre parole est créditée par ce nous : oui, je peux parler pour nous, tu peux parler pour nous, il peut parler pour nous. Nous avons foi dans la parole les uns des autres, dans la voix des uns et des autres qui s'élèvent de toute part, et viennent tour à tour se faire entendre à la face du monde. Voilà ce qu'autorise d'emblée « Notre père ».

Notre père qui es aux cieux...

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